Endormissement, performances et série de photographies
Kazahastan Ousbekisthan Kirghizistan – 2017
La “Route de la Soie” fait rêver. Dans l’imaginaire collectif européen, elle est très populaire. Bruissant avec délicatesse, elle évoque le chatoiement et le miroitement de tissus raffinés et précieux. Elle renvoie à Orient fantasmé et mythique, où d’innombrables caravanes traversent d’opulentes oasis telles que les cités de Samarcande ou de Kachgar.
Pourtant, la réalité géopolitique de cette ceinture économique est bien plus brutale et meurtrière qu’il n’y paraît. Lamyne M a fait le voyage en train, de l’Allemagne à la Chine. Au-delà de la beauté des paysages et de l’émerveillement des touristes, il a entrevu “une souffrance inouïe” dissimulée au creux de l’histoire du “Silk Way”. En dialoguant avec des acteurs locaux et des commerçants, il a saisi l’ampleur des violences mises à l’oeuvre. Vers à soie maltraités, ouvriers exploités, expropriés et exposés à des produits toxiques ont été quelques uns des piliers de la construction du prestigieux “Silk Way”. Les révoltes d’ouvriers et les diverses protestations ont été écrasées d’une main de fer, dans un silence de plomb. “Les petites mains qui ont travaillé ne sont pas citées”, constate Lamyne M.
Pour rendre visible cette histoire douloureuse et méconnue, l’artiste s’est entièrement enveloppé de tissus en provenance d’Indonésie, ramenés ou trouvés sur place. Pour réaliser ses performances, il a choisi des lieux ayant hébergé des usines ou entrepôts de tissu. Se tenant debout face à nous, telle une momie solitaire sur fond de buildings étincelants ou de nature minimaliste, Lamyne interpelle. Il occupe l’espace, seul représentant d’un monde déserté par les humains. À la fois visible et dissimulé, il convoque le regard. L’atmosphère y est lourde, suffocante.